Le serice des tables et des frères

Eoti Eglise d'Arras n° 11-2009


Dans l’évangile de Marc une étrangère fait remarquer que les petits chiens ramassent bien les miettes tombées de la table des maitres. Les lecteurs attentifs de ce récit auront vite compris qu’il y était question du rapport entre les fils d’Israël et les païens autour d’eux, mais aussi du rapport entre les chrétiens d’origine juive et ceux d’origine étrangère.

 

Dans les Actes des apôtres, les Douze se trouvaient débordés devant le service envers les pauvres, en particulier envers les veuves sans ressources. Il est même précisé que les veuves d’origine étrangère étaient moins bien servies que celles issues de la nation juive. Les œuvres de charité étaient le prolongement du partage du pain, que nous appelons eucharistie. Ce fut l’origine de la création du groupe des Sept, dont la mission était le service des derniers de la communauté, la diaconie.


Les miettes peuvent faire penser aujourd’hui aux moins favorisés en Pas-de-Calais et à ces êtres humains venus d’ailleurs qui échouent au bord de nulle part, sur nos plages, bénéficiant des rares miettes que des bénévoles continuent à leur donner. Un communiqué de la Conférence des évêques, et une discussion du Conseil des prêtres autour de l’évêque rappellent que le service des plus pauvres de nos sociétés n’est pas un service facultatif. Une caractéristique fondamentale de l’Esprit évangélique est de signifier sa préférence envers les derniers de la société. Le Magnificat fait comprendre que c’est l’attitude même de Dieu.


Il se fait que, ces mêmes jours, le service de formation permanente proposait une journée pour toutes les personnes en responsabilité dans le diocèse afin de présenter l’état actuel du diaconat : enjeux et questions pour l’Eglise d’aujourd’hui. Il n’est pas difficile d’entendre les tiraillements des diacres dans l’exercice de leur ministère, quand les sollicitations deviennent trop fortes pour la célébration d’évènements familiaux, au détriment de la mission propre qui leur est confiée, mission héritée de l’intuition des apôtres et du Christ le jeudi-saint.

 

L’urgence et les besoins de célébrations des baptêmes et mariages rend second ce qui est premier, quoi que les évêques aient réaffirmé “leur préférence pour les diacres qui, quotidiennement, au contact des hommes grâce à leur situation familiale et professionnelle, puissent en pleine vie témoigner du service que le Peuple de Dieu doit rendre aux hommes à l’exemple du Christ…“. Les chrétiens des paroisses comme les gens de bonne volonté sauront-ils entendre cet enjeu pour l’Eglise et pour le monde ?


Dans une interview récente, le fondateur de la communauté San Egidio, Andrea Riccardi estimait que “l’Eglise parle trop de la soutane des prêtres et devrait davantage mettre les pauvres au centre…” Benoit XVI lui avait demandé de l’accompagner lors de son dernier voyage en Israël et Palestine, à la rencontre des juifs, des musulmans et des chrétiens du Moyen-Orient. La diaconie de l’Eglise au service de la paix, de la justice, des pauvres et des exclus s’y est exprimée, tout comme ce fut le cas lors du voyage du pape en Afrique. Le service des pauvres n’est pas uniquement une vertu personnelle, il suppose des choix de société et, dans le contexte actuel, un lobbying contre d’autres lobbyings moins charitables qui font et défont le monde
Abbe Emile Hennart